Les plans antérieurs

Beaucoup d’idées exposées dans les précédents plans de la capitale ont été reprises dans le présent plan, car elles transcendent les générations. Ces idées comprennent notamment la prémisse selon laquelle la beauté naturelle d’une capitale se trouvant aux abords d’une région sauvage nordique en constitue une caractéristique déterminante. Dans le rapport de la Commission du plan fédéral présentant un plan général pour les villes d’Ottawa et de Hull (communément appelé le rapport Holt) publié en 1915, l’urbaniste Edward Bennett résume ainsi sa vision :

« À certains égards, Ottawa a été heureusement choisie pour son rôle. Elle est située sur les rives d’un grand et magnifique cours d’eau, la rivière des Outaouais, et communique directement par voie d’eau avec le fleuve Saint-Laurent dans lequel les Grands Lacs déversent leurs eaux. Deux rivières secondaires se jettent dans la rivière des Outaouais près du site de la capitale : la rivière Gatineau, qui coule du nord en traversant une vallée pittoresque, et la rivière Rideau, qui rejoint la rivière des Outaouais à partir du sud. Deux remarquables chutes d’eau, la chute des Chaudières et les chutes Rideau, sont situées dans les limites de la ville d’Ottawa. Un canal aux dimensions d’une rivière traverse le cœur de la ville et se prête non seulement au commerce, mais aussi aux activités récréatives. La colline du Parlement est un haut promontoire qui s’élève à 150 pieds [46 mètres] au-dessus de la rivière des Outaouais. Les yeux tournés vers le nord, au-delà de cette rivière, l’observateur aperçoit les montagnes des Laurentides qui s’étendent à perte de vue et qui sont encore couvertes, en partie, de la forêt vierge. Londres, Paris et Washington sont de grandes capitales, et chacune d’elle est située en bordure d’une rivière, mais aucune ne présente la beauté naturelle d’Ottawa. La nature est une invitation directe à faire de cette capitale du Nord une des plus belles au monde. » [Traduction]

La planification globale des éléments de la région liés à la capitale a débuté en 1899, avec la création de la Commission d’embellissement d’Ottawa. Quatre ans plus tard, la Commission engageait Frederick Todd, un pionnier de l’architecture du paysage, pour aider au réaménagement de la ville. Todd était d’avis que l’emplacement de la capitale permettrait non seulement de construire une grande ville, mais aussi une ville « d’une beauté peu commune ». Il prévoyait que la capitale allait devenir un grand district populeux reflétant la bonne réputation du Canada et de ses citoyens, qui se développerait en phase avec le pays.

Dix ans plus tard, la Commission Holt s’est assuré les services d’Edward Bennett, qui avait travaillé auparavant avec Daniel Burnham au renommé Plan de Chicago. Le plan élaboré par Bennett fut l’un des premiers plans d’urbanisme de grande ampleur au Canada, et il portait sur tous les aspects des réseaux de la ville, dont l’habitation, le transport et les espaces verts. Le plan Holt-Bennett proposait des enceintes gouvernementales plus formelles, la réorganisation des voies ferrées, ainsi que la création d’un nouveau parc dans les collines de la Gatineau.

En 1950, le plan de la capitale réalisé par Jacques Gréber a laissé sa marque dans la région. Il proposait d’établir de nouvelles installations majeures pour l’administration publique fédérale, regroupées dans quelques complexes isolés. Il recommandait aussi d’aménager un réseau complet de routes périphériques menant à des promenades longeant les berges, de même qu’une vaste ceinture de verdure pour contenir la croissance urbaine à venir.

Vint ensuite le Schéma d’aménagement des terrains fédéraux de 1988, qui a été suivi par le Plan de la capitale du Canada de 1999. Celui-ci comprenait une planification fondée sur trois thèmes, soit le cadre de la capitale, les destinations de la capitale et les réseaux de la capitale, et il mettait en relief, pour la première fois, le rôle symbolique du boulevard de la Confédération. Ce plan était innovateur, car il préconisait le développement durable comme élément central de la planification urbaine et faisait valoir que les administrations locales, régionales et fédérale devaient collaborer plus étroitement.

À de nombreux égards, les plans antérieurs ont été une réussite éclatante. Le gouvernement fédéral a protégé la majorité des terrains riverains ayant servi à des fins industrielles pour en faire des terres publiques et y aménager des promenades et des espaces verts linéaires. Il a acquis un vaste secteur des collines de la Gatineau pour y créer un parc d’importance nationale, a conservé d’importants bâtiments patrimoniaux se trouvant dans le marché By et a établi les 203 kilomètres carrés qui forment la Ceinture de verdure de la capitale entourant Ottawa.

La prévoyance de ces urbanistes est moins évidente lorsqu’on constate leur acceptation tacite des philosophies d’aménagement prévalant au XXe siècle qui prônaient le monumentalisme au détriment de la vitalité urbaine et la séparation des zones d’emplois des fonctionnaires fédéraux. Les interventions qui en ont découlé ont mené à la fragmentation de la ville et à l’élimination de quartiers complets et accordaient une importance considérable à l’usage personnel de l’automobile par rapport aux autres modes de transport. Et bien qu’elles aient permis de récupérer les terrains riverains qui servaient à des usages industriels, elles ont laissé aux urbanistes du siècle suivant la tâche d’animer ces terrains et de les rendre plus largement accessibles.